Syrie, quand les journalistes choisissent leur camp

J'ai un peu de mal à comprendre le propos. Paradoxalement visiblement, sputnik ou autres medias de grandes puissances sont sensés être plus crédibles  que ceux qui vivent sur place et constatent tous les jours?  
Alors oui la dynastie Assad est une dynastie autoritaire qui tient le pays d'une main de fer, avec l'appui militaire et des services secrets soviétiques d'abord, russes ensuite, de longue date. et qui se sont rendus coupables d'exactions contre le peuple syrien et le peuple libanais. Et qui pour ce faire se sont aussi appuyés - en contrôlant et manipulant notamment  la façon dont ils entraient ou sortaient de prison - sur les frères musulmans, les lâchant dans la nature quand ça les arrangeait, les emprisonnant quand il le voulait. de même ils ont favorisé le groupe islamiste du hezbollah au Liban , contre les tentatives de laïcisation du pays.
Et c'est vrai aussi qu'au cœur de ce conflit figure en bonne place le projet gazier et les intérêts des uns et des autres autour de ce projet, qui sont effectivement contradictoires.
Et aussi que Israël a appuyé certains groupes islamistes en Syrie.
Et que l'opposition "démocratique" en Syrie s'est alliée - avant de se faire bouffer- avec les islamistes
Tout ce beau monde est complice de toutes les exactions. et une bonne partie de la population aussi est complice. Comme au Liban où les milices se permettent de vouloir imposer leurs vues.
Donc mon propos est: c'est un sac de nœuds fantastique, incroyable, et la plus grande prudence est de mise . Et malheureusement peu de "penseurs", et a fortiori encore moins de journalistes, en ont la capacité dans nos pays, et se contentent de tirer un fil de la pelote sans voir tous les nœuds. J'ai personnellement été agréablement surprise de la position de Claude El Khal justement.

Et je termine en disant que le qualificatif de "dessinateur" opposé à "journaliste" , avec le mépris affiché ici, est scandaleux. Claude El Khal est journaliste de longue date (et dessinateur occasionnel).
et un autre point de vue encore: https://marwen-belkaid.com/2018/03/05/la-sequence-de-claude-el-khal-la-syrie-et-la-complexite/

C'est un vrai souci d'objectivité journalistique qui se pose, il me semble, sur le sujet syrien, à la fois dans les grands médias d'information et dans ceux qui les critiquent. L'influence idéologique sur l'information est manifeste dans beaucoup de medias et ce fait est détaillé sérieusement par Crises.fr, tout particulièrement sur les éléments de langage qui occultent le fait que tous les rebelles armés appartiennent à diverses mouvances islamistes mais aussi  le traitement inégal qui est fait entre la Ghouta, dont le sujet inonde les médias, et Damas elle-même, qui souffre aussi des bombardements répétés :
https://www.les-crises.fr/couverture-mediatique-de-la-ghouta-ou-comment-faire-le-jeu-des-djihadistes/

Par ailleurs, Sputnik et d'autres médias fournissent un certain nombre  d'informations qui montrent bien la responsabilité importante des Etats-Unis et de ses alliés dans ce conflit, tout le cynisme des intérêts, des actions géopolitiques occidentales qui sont peu mis en évidence dans les grands médias, voir par exemple :
https://fr.sputniknews.com/international/201802231035267332-syrie-occident/

A l'inverse, je me désole de voir les médias alternatifs tomber dans les mêmes travers. Ainsi les affirmations répétées d'Assad "président élu", dans Sputnik, font bondir. Ainsi l'intervention d'El Khal sur Le Media, qui a provoqué bien des réactions et n'est pas exempte de défauts. La formule de "la rhétorique du dictateur sanguinaire" est extrêmement maladroite et trompeuse. Elle donne l'impression au télespectateur qu'on se trompe complètement sur le compte de celui qui a déclenché ce conflit contre sa population civile. Pas une fois El Khal ne se sert de données sérieuses comme celles du VDC (Violations Documentation Center) qui indique qu'Assad est responsable de la très grande majorité des morts civiles de cette guerre. C'est ce que rappelle le papier intéressant de lundimatin, en même temps qu'il pointe d'autres faiblesses de la chronique :
https://lundi.am/Le-Media-sur-la-Syrie-naufrage-du-journalisme-alternatif

Il me semble qu'ici, il faille s'interroger sérieusement sur le fait de donner à un "dessinateur" une responsabilité de journaliste sur de telles questions épineuses.  Pour défendre avec fierté un média libre, il faut faire attention de ne pas répéter les mêmes erreurs que les autres qui ne le sont pas tout à fait,  en évitant à tout prix toute partialité et en établissant au mieux les vérités que l'on connaît, d'où qu'elles viennent. Cette intégrité, cette honnêteté devrait être un fondement inébranlable de la profession de journalisme.